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Jeune pilote, j’avais décidé avec un copain pilote d’emmener, il y a une vingtaine d’années, plusieurs amis en Corse.  C’était pour ces amis, tous grands voyageurs, un premier vol en monomoteur. C182-1

Nous partions de Chavenay pour aller à Propriano, avec 2 avions : je pilotais un C182 et j’emmenais 3 amis et lui avec un DR400 en emmenait également 3 mais il faisait une étape. La météo était excellente, nous avions presque 6h00 d’autonomie et j’avais décidé de prendre une route passant par les Alpes.  Nous avons décollé en milieu de matinée, la météo était parfaite jusqu’à Grenoble, où apparaissaient des cumulus sur les reliefs. Bien que peu aguerri en voyages longs, j’ai pensé qu’il serait facile de passer entre ou au-dessus de ces cumulus qui paraissaient bénins tout en profitant d’un spectacle magnifique et les passagers étaient ravis. Rapidement, la nébulosité a augmenté passant de SCT à BKN et aux environs des Ecrins, j’ai compris qu’il n’était pas raisonnable de continuer sur cette trajectoire, j’ai donc amorcé un virage plein ouest et là, inquiet, j’ai constaté que j’étais encerclé par les nuages.

 Rapidement analysé, il n’y avait que 2 options : sortir par le haut ou par le bas, et dans les montagnes, par le bas, c’est rarement une bonne option, de plus, ce 182 avait une sacrée pèche et j’ai pensé qu’en montant vers 10 000 / 12 000 ft je sortirais facilement, de plus, convaincu que les nuages étaient liés au relief, en prenant un cap sud-ouest, il n’y aurait pas long à voler on top, et j’avais déjà une expérience du vol on top.  Donc, j’affiche les paramètres de montée et je monte en spiralant très large, mais plus je montais, plus, il fallait monter, vers 14 000ft, il paraissait clair qu’il restait au moins encore 3 000 ou 4 000 ft de nuages à « escalader » et que  le 182 ne pourrait le faire, chargé avec 4 passagers, quand à moi , malgré un entrainement aux randonnées himalayennes, j’allais rapidement subir les effets de l’hypoxie.

J’ai pensé qu’il fallait rester calme, ne pas affoler les passagers et que la seule option était de tracer droit dans la crasse, j’ai donc affiché le VOR qui était sur la route de la Corse (Nice si je me souviens bien), j’ai centré l’aiguille et j’ai aligné ma route sur le radial. Quelques secondes après, étais dans la crasse et en un rien de temps, j’ai vu l’horizon basculer lentement et les caps dériver, j’ai tout de suite compris que je perdais le contrôle et j’ai branché le pilote auto en mode heading, l’avion a pris sagement son cap et j’ai attendu avec une certaine angoisse, tout en surveillant tous les paramètres. Les passagers m’ont dit que c’était dommage de ne plus avoir de visibilité et j’ai répondu que cela arrivait souvent dans les  montagnes.

Puis, la neige s’est mis à tomber, j’ai tout de suite pensé au givrage des surfaces et j’ai poussé les tours au max pour éviter que l’hélice ne givre, j’ai commencé à penser que c’était très mal parti d’autant qu’il y avait 10 cm de neige sur le capot, le seul point positif, l’avion tenait son altitude et sa vitesse et j’avais au moins 4 000 ft sous la quille. Quand la neige a commencé à pénétrer dans le cockpit par les entrées d’air frais, j’étais dans une angoisse totale d’autant que mes passagers m’ont demandé calmement si c’était normal. J’ai réfléchi aux options et j’ai pensé qu’il fallait appeler Nice Info au moins pour leur donner la position de l’avion, en cas de crash.  Après quelques échanges, ils m’ont demandé si j’étais en IMC ou VMC, que dire ? J’ai réfléchi quelques instants, tout cela me paraissait infiniment long et au moment où j’appuyais sur l’alternat pour répondre IMC, l’avion a percé dans le bleu et j’ai crié VMC.  Le soulagement était total, je ne me souviens plus très bien de la suite, mais la neige a fondu durant la descente sur le golfe de Porto en Corse et nous nous sommes posés sans problème à Propriano.

J’ai demandé aux amis s’ils avaient apprécié le vol, ils m’ont répondu que ça avait été génial sauf la partie dans le brouillard, mais j’ai compris qu’ils n’avaient jamais eu peur car j’avais réussi à donner le change et que le PA avait prévenu toute embardée de l’avion.

 

Leçons apprises :

La météo change vite en montage surtout en début d’après midi et il faut anticiper et réagir très vite quand la météo se dégrade.

 

Le C182 est un excellent avion dont le profil d’aile supporte un givrage significatif avant de perdre ses qualités.

 

Le PA est le meilleur ami du pilote et il faut faire confiance à ses instruments dès qu’on détecte un mouvement d’assiette anormal.

 

Ce qui m’a aidé :

Lisant tous les bulletins d’incidents accident d’Info pilote, j’avais  en tête les réponses à la plupart des questions qui m’ont assailli durant ce moment intense, (comportement des passagers, givrage, perte de contrôle,  hypoxie, …)

 

Mon erreur :

Je croyais "savoir" et ça a failli nous coûter cher.

Tag(s) : #Never again
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