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Nous avions prévu d’aller, Chris, son épouse, la mienne et moi nous reposer au bord de la mer dans le golfe de Thaïlande. Et d’y aller avec son C182 qui avait beaucoup volé durant ce début d’année. De Chiang Mai jusqu’à la station balnéaire tranquille de Chumphon, il y a environ 500 nm ce qui fait un peu moins de 4h de vol.

Chris avait revérifié l’avion la veille et préparé la navigation en IFR. La météo devait être ensoleillée au départ avec de la brume sèche comme de saison en Nord Thaïlande et plus mitigée à l’arrivée. Le sud de la Thaïlande recevant souvent des queues de mousson d’hiver.

Nous décollons de bon matin et sommes proches de la masse maximale (avec plus de 5h d’essence) et l’avion monte lentement. L’air est très brumeux et turbulent, la tenue de la machine aux instruments n’est pas facile. Presque arrivés à l’altitude de croisière de 9000 ft, le moteur commence à vibrer. Chris règle le moteur, ça se calme puis ça revient de manière cyclique et ça nous inquiète un peu.

Après presque 2 heures de vol, nous ne sommes pas très loin de la périphérie ouest de Bangkok. Chris remarque que la pression d’huile est inhabituelle, plus dans le vert mais loin du rouge, il la surveille tout en continuant à faire la radio, et détecte qu’elle baisse imperceptiblement.

Nous discutons de la conduite à tenir, comme la température d’huile ne varie pas, il semble qu’il n’y a pas d’urgence, puisque le volume d’huile présent permet de refroidir correctement le moteur. Je suggère de continuer jusqu’au prochain point de report qui est le seul aérodrome de la région et un terrain militaire (VTBK ou Kampaeng Saen). Le moteur continue à vibrer périodiquement, nécessitant de régler la mixture, ce qui ajoute à l’inquiétude. L’atmosphère reste turbulente à 9000 ft, rendant le pilotage fatigant d’autant que sans horizon clairement matérialisé dans le ciel, je tiens la machine aux instruments.

Arrivés à 20 nm de cet aérodrome, la pression d’huile a encore fléchi un petit peu, nous décidons de demander au contrôle à nous poser sur ce terrain. Il faut une dizaine de minutes avant d’obtenir le feu vert, un contrôleur parlant correctement l’anglais nous ayant pris en charge.

Kampaeng Saen en fin de vent arrière très haute ....

Kampaeng Saen en fin de vent arrière très haute ....

Bien placés

Bien placés

Nous sommes « vertical terrain » et amorçons une descente en cercle. Le contrôle nous suit de près et aucun autre avion n’est dans le circuit. Une fois posés, et donc, soulagés, nous roulons vers le parking sud entre 2 rangées d’avions militaires d’entrainement, parqués sous des abris. Nous comprenons qu’il s’agit d’une école de l’air. Un marshaller nous invite à garer l’avion sous un des abris.

Plusieurs militaires s’approchent de l’avion pendant que nous arrêtons le moteur et leurs gestes indiquent qu’ils voient quelque chose de sérieux. Nous descendons et constatons que le ventre de l’avion est noir d’huile. De rapides présentations sont faites. Il y a un petit attroupement, ce n’est pas tous les jours qu’un avion léger piloté par 2 farangs se pose sur cette base. Nous sommes à l’ombre sous un abri ce qui est bien agréable pour effectuer les premières interventions.

Chris vérifie la jauge à huile qui est totalement sèche ! Du jamais vu, zéro litre, il doit pourtant bien y avoir encore de l’huile dans le moteur. Il démonte le capot moteur et constate que l’intérieur est propre, l’huile est donc partie par le reniflard d’huile poussée par une cause à déterminer. C’est une cause différente de celle de l’incident survenu à Majorque en 2012. Un sergent mécanicien nous indique que leurs avions d’entrainement les plus petits ont le même moteur Lycoming IO 540 que le nôtre, en fait des AEIO 540 de 260 hp (la version AE aérobatic). Il propose donc de refaire le plein d’huile. Un bidon de 6 L y passe et la jauge remonte un peu plus haut que le maxi. Il ne restait donc pas plus de 3 L lors de l’atterrissage, bien que la jauge indique zéro.

6 Litres dit Chris
6 Litres dit Chris

6 Litres dit Chris

Un essai moteur permet ensuite de vérifier que la pression d’huile et tous les paramètres moteurs sont corrects. Le moteur est a priori bon, on fait tourner facilement les pales d’hélice à la main, un autre signe de bonne santé.

Le sergent dit OK

Le sergent dit OK

Sur ces entrefaites, arrive un des instructeurs de la base qui se trouve être un filleul de l’épouse de Chris. C’est de la chance. Ca simplifiera certainement la suite des événements, car nous ignorons encore les conséquences administratives de nous être posés sur une base militaire. Ce filleul nous emmène déjeuner en ville, puis nous ramène à l’avion qui est gardé par 4 MP en plus d’un nombre certain de militaires.

Bien gardés

Bien gardés

Pendant tout ce temps, les entrainements ont repris, chaque abri comporte un avion d’entrainement, 2 pilotes et 2 mécanos y sont affectés et ça tourne en permanence. Il y a des « trainers » à piston, des « trainers » à turbine, tous biplaces, et aussi des DA42 bimoteurs. Le matériel semble très moderne voire quasi neuf.

Nous comprenons qu’il serait bien que nous redécollions dans la journée pour des raisons qui nous échappent … Chris fait le point de la situation avec Pierre Yves, le propriétaire de Nok Airfield et aussi l’ancien propriétaire de l’avion qui connait très bien la machine pour l’avoir convoyée en vol depuis la France. Comme le moteur semble tourner correctement et que la consommation s’est établie à un peu moins de 6 L en 2h30, nous décidons de rentrer à la base en faisant une escale à Phittsanulok à un peu plus d’une heure, il y a 2 petits aérodromes sur le chemin qui pourraient servir de terrain de dégagement en cas de pépin.

Nous remercions chaleureusement nos hôtes qui nous ont si généreusement accueillis et aidés en refusant toute compensation. Chris redépose un plan de vol. Nous remettons le moteur en marche, le mécanicien nous confirme que tout est ok vu de l’extérieur, et les aiguilles sont dans le vert. Nous roulons vers le point d’attente entre 2 rangées d’abris contenant les avions d’entrainement.

Après une longue attente, pour cause de trafic, nous décollons en sollicitant le moins possible moteur et en surveillant les instruments moteurs. Nous avons 3000 m de piste, je monte sur une pente très douce, il y a encore une alerte avec des vibrations mais une action sur la mixture règle le problème. Nous ne dépassons pas 6000 ft et volons à l’économie au dessus de la grande plaine centrale de Thaïlande, un des greniers à riz de la planète. Après environ une heure de vol avec des instruments moteur stables et dans le vert, nous nous posons en piste 32 à Phittsanulok (VTPP).

Nous parquons notre 182 au pied d’une épave de B747. Peu après l’arrêt du moteur, Chris mesure le niveau d’huile, la consommation semble s’établir à environ 3 ou 4 L par heure, confirmant l’estimation faite à Kampeang Saen.

David et Goliath

David et Goliath

Nous décidons d’en rester là pour la journée, ayant eu notre lot d’émotions et d’actions, il est inutile d’ajouter un facteur humain de fatigue. Nous partons loger et diner en ville.

Le lendemain, nous sommes réveillés par un orage qui noie la ville, inutile de nous presser pour décoller. Après un passage au temple pour prier Bouddha, il ne faut rien négliger, nous arrivons à l’aéroport. Les niveaux d’huile et d’essence sont complétés au maxi.

Nous mettons en route, mais juste après, le contrôle nous indique que notre départ est retardé de 40 mn. Nous stoppons le moteur et nous interrogeons sur les causes de ce délai. Tout près de nous, il y a bien des pompiers qui font un exercice incendie avec le 747 et tout leur matériel : les combinaisons amiantes, les camions. Nous apercevons enfin des parachutistes avec des voiles aux couleurs de la Thaïlande, il s’agit vraisemblablement d’un exercice ou d’une parade. Ils sont largués d’un DC3 re-motorisé en turbine, il en reste pas mal en Thaïlande.

Never again : Posés sur une base militaire Thaï (2018)

Vers la fin de l’exercice, le contrôle appelle Chris pour lui dire que nous pourrons décoller dans une dizaine de minutes. Nous nous préparons et mettons en route.

Durant le taxi, le DC3 des parachutistes se pose sur la piste 32, un moment de nostalgie.

Les DC 3 'turbine' à Phittsanulok
Les DC 3 'turbine' à Phittsanulok

Les DC 3 'turbine' à Phittsanulok

Nous décollons dans la foulée, et devons expédier car il y a du trafic qui attendait la fin de l’exercice. L’air est calme, la montée est douce, avec pas trop de puissance, les paramètres sont au vert, un vrai plaisir de pilotage qui tranche avec la journée précédente. Mes aiguilles sont centrées : assiette, cap, vitesse, taux de montée. Il y a 2 terrains de déroutement idéalement placés dur la route qui est un peu plus montagneuse, donc nous sommes vigilants et surveillons les aiguilles qui sont toutes dans le vert.

Tout se passe comme dans un rêve, un vrai plaisir si on oublie les épisodes précédents. Nous nous posons une heure plus tard à Nok, bien soulagés d’avoir ramené l’avion à sa base !

Chris vérifie aussitôt l’huile et il manque comme prévu 3 L. La phase mécanique va pouvoir commencer.

Nos vols - Peu d'aérodromes civils existent dans la région de Bangkok.

Nos vols - Peu d'aérodromes civils existent dans la région de Bangkok.

Commentaires et leçons :

Tout d’abord, un grand merci aux militaires thaïs de la base de Kampaeng Saen pour leur aide et assistance généreuse. Il est important que les pilotes privés volant en Thaïlande sachent que se poser sur une base militaire en cas d’urgence est une excellente option, bien meilleure que de risquer de se poser dans une rizière ou une forêt.

Nous étions 2 pilotes confirmés (surtout Chris) pour entreprendre un vol long dans des conditions météos assez bonnes mais fatigantes sans disposer d’un pilote automatique.

Nous disposions de 3 tablettes équipées d’AirNav ou AirNav Pro nous donnant la position de tous les terrains (ULM compris), permettant de connaitre précisément notre position vis-à-vis des terrains de dégagement.

Notre vol était bien préparé et les rôles toujours clairs entre nous. Nous avons alterné les rôles afin de garder chacun un minimum de fraicheur ce qui nous a permis d’être disponibles au moment opportun.

Nous avons discuté des risques et des options sans attendre que la situation ne se dégrade et avons saisi l’option de nous poser dès que ce fut possible bien que nous ignorions précisément le degré de gravité de la situation, la température d’huile stable semblait indiquer qu’il n’y avait pas d’urgence.

Nous n’avons pas pris en considération la crainte de complications administratives hypothétiques avec les autorités.

Nous avons certainement eu de la chance, car le moteur n’aurait certainement pas tenu 30 mn de plus.

Bien connaitre son avion est un plus : quand Chris m’a alerté, l’indication de pression n’avait rien d’alarmant pour quelqu’un qui ne connait pas bien la machine et son historique.

Certains principes techniques ont leurs exceptions : une température d’huile stable ne signifie pas toujours qu’il reste assez d’huile dans le moteur. Il est surprenant qu’avec à peine 3 L l’huile ne chauffait pas, mais cela était.

 

Pendant que nous luttions, ces dames photographiaient le paysage !

Quelques photos !

Au sud de Phittsanulok, les grandes rivières serpentent et se rejoignent pour donner naissance au Chao Phraya qui coule à Bangkok
Au sud de Phittsanulok, les grandes rivières serpentent et se rejoignent pour donner naissance au Chao Phraya qui coule à Bangkok

Au sud de Phittsanulok, les grandes rivières serpentent et se rejoignent pour donner naissance au Chao Phraya qui coule à Bangkok

L'approche à Phittsanulok
L'approche à Phittsanulok
L'approche à Phittsanulok

L'approche à Phittsanulok

Tag(s) : #Never again
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