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En 1995, j’avais décidé avec 2 copains pilotes de faire un voyage en bimoteur dans l’ouest américain au départ d’Arlington près de Dallas (Tx). J’avais déjà loué l’année précédente un Baron Be 55B (2 x 260hp) le N8164R pour 50 heures (un bloc), et cette machine formidable était raisonnablement bien entretenue et malgré une avionique sommaire (pas de PA et des radios en 320 canaux). J’avais alors visité les Rocheuses et la Floride. B55-3

 

L’un des copains démarrait une formation PL français et l’autre avait un PL américain et un longue expérience allant du bimoteur léger au B707 cargo en Amérique du sud.

Lors de l’inspection de l’avion, apparaissent certaines faiblesses au niveau des échappements. Prudents nous décidons que cette machine n’est pas « safe ». Après une discussion animée avec le loueur, celui-ci nous propose l’avion d’un ami : un Be 55C (2x 285 hp). Il semblait en bon état et avait un Loran C (sorte d’ancêtre du GPS dans les années 70 - 80), pratique pour des vols en regions semi désertiques. Nous faisons une courte séance de lâcher machine : 3 tours de piste chacun puis nous décidons de partir avec une demi journée de retard sur le planning initial et pour rattraper le temps perdu, on décide de partir de nuit pour Lubbock (la ville natale de Kim Basinger), cela s’annonçait au mieux.

 

Nous décidons que je pilote et que mon copilote sera le plus expérimenté, en raison de son aisance à la radio et de son expérience et c’est parti pour un décollage en IFR. Le spectacle de la métroplex Dallas – Fort Forth est féérique et nous passons rapidement en contact avec Dallas Center, c’est super chaud mais le copain se débrouille bien.

Moi, j’ai du mal avec la tenue des caps et rapidement, on se rend compte que quelque chose cloche au niveau de l’avionique et de la centrale de cap. Après une brève discussion, nous convenons que survoler le désert texan avec une incertitude sur notre système de navigation est dangereux et trop risqué et nous contactons Dallas center pour les informer de la situation. Le contrôleur nous demande calmement 'Do you declare an emergency', nous répondons 'not yet' puis sommes vectorisés pour rentrer à Arlington. Heureusement que je connaissais assez bien la région pour y avoir fait une formation IFR bimoteur l’année précédente car, en suivant le HSI, on ne pouvait suivre la route donnée par le contrôle. Finalement nous revenons sur le terrain d’Arlington (non contrôlé), quittons Dallas center et j'intègre le circuit de piste en VFR, et met l'avion en configuration d’atterrissage : train et volets sortis.

Nous apercevons un C172 également en tour de piste devant nous, lorsque je vire en finale, je considère que je suis trop proche du 172, étant 30 kts plus rapide. J'opte donc une remise des gaz, manettes à 25, et le Baron accélère puissamment.

Quelques secondes plus tard, un feu d’artifice dans le cockpit, chaque instrument est en sur-intensité lumineuse aveuglante et un fumée âcre se dégage. J’entends mon passager arrière crier : « le feu à bord, la pire des morts », mon copilote me dit, « coupe tout, on se pose droit devant », pas le temps d’avoir peur, gaz tous réduits et interrupteur général sur off. L’obscurité totale est incroyable, on ne voit plus rien, j’avais gardé ma lampe frontale sur la tête, je l’allume et je crie à mon copilote « tu le poses », il me demande de lui lire la vitesse très régulièrement. Heureusement, le train et les pleins volets étaient sortis, mais nous déboulons à toute allure sur le C172 devant nous, nous sommes en très courte finale quand le C172 touche, on arrive bien positionnés sur la piste mais très en dessous de la vitesse normale vers 80 kts et l’impact est violent, là tout va très vite, on double le C172, notre aile basse passe tout près de son aile haute (peut être dessous, je ne sais) et on sort à la première bretelle, on ouvre la porte et la fumée peut s’échapper. On est sauvés.

L’instructeur du 172 arrive furieux probablement pour nous casser la gueule mais il comprend vite la situation et se calme. J’étais surexcité et je lui criais en sautillant « it was a big flash ». Nous rentrons à l’hôtel très énervés et passons un long moment à nous calmer.

Le lendemain, une explication assez musclée a lieu chez le loueur. Il prétendait que l’avion de son copain était fichu et que c’était notre faute, et nous qu’on avait failli mourir brulés parce que son avion n’était qu’une épave.

Finalement, la peur d’une inspection de la FAA d’un côté et le peu de temps et de moyens juridiques du nôtre fait que les choses en restent là. Nous saurons plus tard que le retour de masse de la batterie avait cédé et que l’alternateur débitant directement dans un circuit électrique de 30 ans d’âge et dans l’avionique avait mis le feu à l’ensemble. L’avion fut dépecé puis ferraillé.

Le mois suivant, j’ai revolé en France sur un Baron, en vertu du principe qu’il faut remonter à cheval très vite après une chute ou ne jamais remonter.

L’année suivante je suis revenu voler avec le Baron N8164R que je connaissais bien à Arlington car j’avais appris que la FAA avait suite à cet incident inspecté le loueur et imposé une remise en état de sa flotte. Nous avons volé jusqu'à Porto Rico.

 

Leçons apprises :

Nous avons commis des imprudences :
·         voler sur une machine inconnue après un test sommaire,

·         partir pour un premier vol de nuit en IFR, le propriétaire ne volait qu’en VFR de jour.

 

Mais, quelques bonnes décisions nous ont sauvé :
·         dès que la situation critique fut diagnostiquée, nous avons fait demi-tour,

·         le plus expérimenté (il avait plusieurs crash à son actif) était devant et a pu poser l'avion.

 

Nous avons eu de la chance :
·         le feu s’est déclaré quand nous étions en finale, au décollage, j’imagine que je n’en parlerait pas ici,

·         le vol était en VMC de nuit en ciel très clair, en IMC, nous n’aurions pu faire l’approche avec une avionique aussi dégradée.

 

Quelques principes en aviation (et aussi dans la vie) :


Une solution qu’on ne connait pas peut sembler sans défaut et pourtant en présenter de graves.

Dès que la situation se dégrade, agir immédiatement pour y remédier.

Tag(s) : #Never again
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